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2. L’autonomie n’est pas une finalité 2. L’autonomie n’est pas une finalité

Les fabricants d’aliments jonglent entre réglementation, disponibilité et prix des matières protéiques pour s’arbitrer.

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La forte volatilité des prix des matières premières protéiques est souvent mise en avant pour justifier la quête d’autonomie alimentaire. La captation des ressources par la Chine est impressionnante, passant de 10 % des importations mondiales de soja, en équivalent tourteaux, en 2001-2002, à 39 % en 2015-2016. Ce phénomène laisse craindre une hausse durable des cours. Cependant, « l’autonomie protéique à l’échelle nationale ne nous permettrait pas de nous déconnecter totalement du marché, les cours français restant liés aux cours mondiaux, rappelle Patricia Le Cadre, du Céréopa (1). Seule l’autonomie à l’échelle de l’exploitation protégerait de la volatilité. Elle est insignifiante en monogastriques à l’heure actuelle. Et dans les élevages bovins, elle n’est pas forcément économique puisqu’elle engendre des surcoûts de mécanisation, notamment. » Selon Didier Gaudre, de l’Ifip (2), l’important pour maintenir des cours acceptables est avant tout de « pouvoir faire jouer la concurrence entre les différentes matières premières » et de « cadrer les prix grâce à une part de production française ».

L’indépendance protéique est donc « avant tout considérée comme un levier pour améliorer la durabilité des productions animales françaises, explique Patricia Le Cadre. Cette durabilité peut être mise en avant par les industriels agroalimentaires pour différencier leurs produits ». C’est le cas de la démarche “Les fermiers de Loué” qui communique sur l’origine locale des céréales distribuées aux volailles. Cependant, de l’avis des différents spécialistes interrogés, l’origine locale de l’alimentation animale n’est pas la préoccupation numéro un des consommateurs et des filières. « En volaille, les demandes autour du bien-être animal et de la limitation du recours aux antibiotiques sont bien plus fortes », explique Isabelle Bouvarel, de l’Itavi (3). Paul Rondeau, du groupe Terrena, va également dans ce sens : « Pour notre marque « La nouvelle agriculture », nous avons fait le choix d’une alimentation animale sans OGM et enrichie en oméga 3 ».

Disponibilités

Dans la recherche pour l’autonomie, « les limites de l’exercice sont surtout liées à la disponibilité des matières premières riches en protéines françaises, mais aussi aux ratios de prix entre matières premières et à la montée de la fabrication à la ferme, modèle souvent basé sur le maïs et appelant plutôt du soja en complément », explique Patricia Le Cadre. Celle-ci attire par ailleurs l’attention sur le fait que « la baisse de la consommation de soja n’est pas le gage d’une amélioration de notre autonomie protéique, car certaines alternatives sont aussi liées à l’importation ». À titre d’exemple, le recul de 33 % de nos importations de tourteaux de soja depuis 2005 n’a été possible qu’en recourant notamment au tourteau de tournesol High Pro (riche en protéines), dont la grande majorité provient de la zone mer Noire.

L’évolution des taux d’incorporation des matières premières dans les aliments composés témoigne du lien étroit qui les lie aux changements de réglementations (voir graphique). « Aujourd’hui, les professionnels de l’alimentation animale s’inquiètent de voir la disponibilité en tourteaux de colza diminuer, explique Stéphane Radet, du Snia (4). En effet, la Commission européenne a pour projet de faire baisser le taux d’incorporation obligatoire des biocarburants de première génération de 7 % à seulement 3,8 % en 2030. » À l’inverse, « la réincorporation de 120 000 t de protéines animales transformées de porc en aliments volailles entraînerait un recul de 10 % des volumes de soja conventionnel et de 60 % du soja non OGM utilisés dans ces formules ». Cependant, « les farines animales reviendront certainement en Europe mais pas en France », estime Patricia Le Cadre.

Concurrence

La disponibilité d’une matière première est liée à sa production mais aussi à ses débouchés. La concurrence est forte entre alimentations humaine et animale, d’où la position de Patricia Le Cadre : « Il ne faut pas se limiter à des aides à la production, il faut des aides à l’utilisation des protéines végétales dans l’alimentation animale, de préférence des aides locales ». La spécialiste insiste également sur l’importance que revêt le développement actuel de la contractualisation entre producteurs et Fab.

(1) Céréopa : centre d’étude et de recherche sur l’économie et l’organisation des productions animales. (2) Ifip : institut du porc. (3) Itavi : institut technique aviculture. (4) Snia : syndicat national de l’industrie de la nutrition animale.

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